Réformes politiques : où en est-on? Interview le Temps 4 fevrier 2008
?Questions de l’heure : Réformes politiques : où en est-on
« Le paysage politique ne pourrait évoluer à coups de ruptures, d’exclusions ou de slogans »
4fevrier 2008
Interview réalisée par Néjib SASSI
Interview de notre invité de ce lundi, Mohamed Goumani, Secrétaire Général adjoint du PDP
Notre invité, aujourd’hui, est Mohamed Goumani, le Secrétaire Général adjoint du Parti Démocratique Progressiste « PDP ». Il nous parle de la situation politique et surtout du document qu’il a publié avec d’autres membres du bureau politique du PDP prônant une voie modérée pour amorcer un dialogue constructif avec le pouvoir. Il répond, aussi, à l’interview que la Secrétaire Générale du PDP, Maya Jribi, nous a accordé.
Il évoque d’autres questions, entre autres la coalition dite du 18 octobre, et les diverses positions au sein du PDP en ce qui concerne la participation du parti aux échéances électorales de 2009. A noter que le PDP tient, le 9 février 2008, une réunion de son comité central pour débattre de cette question. Interview :
Le Temps : Quelle est votre appréciation de la situation politique ?
Mohamed Goumani : L’année 2007 a été une année importante du fait de rendez vous symbolique tels que le cinquantenaire de la république ou le 20ème anniversaire du changement. Ces événements ont été l’occasion de l’enclenchement d’un débat parmi les élites et la classe politique qui n’en est certainement qu’à ses débuts en raison des échéances prochaines mais le constat est quasi consensuel pour déplorer une frilosité excessive si ce n’est une stagnation du processus de réforme politique en décalage total avec la réalité du libéralisme économique et avec les acquis d’une politique sociale active et volontariste. La vie politique reste caractérisée par un autoritarisme de rigueur avec un parti au pouvoir prééminent et omniprésent qui domine un multipartisme dont tout le monde s’accorde maintenant à reconnaître les limites sinon l’anachronisme.
L’opposition quant à elle reste caractérisée par sa faiblesse et n’arrive pas encore à implanter une véritable assise populaire ni à s’imposer comme une force de proposition susceptible de convaincre les élites du pays. Ceci est bien entendu aggravé, et malgré quelques frémissements positifs récents, par la situation de la presse nationale et par la difficulté d’accès aux moyens d’information qui ne jouent pas pleinement leur rôle d’acteurs essentiels du débat politique et de société.
Tout cela entrave bien entendu le processus de réforme, malgré son urgence et l’attente d’une population et en particulier d’une jeunesse majoritairement éduquée et qui revendique de plus en plus le droit à la participation et l’exercice d’une citoyenneté réelle indissociable du progrès socioéconomique. Par ailleurs, les défis auxquels est confronté le pays de par la conjoncture internationale en matière de compétition et de sécurité avec leurs répercussions sur l’emploi, la croissance et le dialogue social, requièrent une implication de l’ensemble des forces politiques dans le respect de leur diversité et leur indépendance ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Dans le contexte que vous venez de décrire vous venez de publier un document relatif aux réformes politiques, quel est l’objectif de cette démarche ?
-Le document auquel vous faites allusion est en réalité le quatrième document que nous publions. Le premier, intitulé « Une vision politique pour l’avenir » était proposé au 4èm congrès du PDP (en fait le 2èm congrès PDP proprement dit). Il faisait une évaluation du parcours du parti entre les deux congrès dans le contexte politique général du pays et préconisait un réajustement de la démarche politique ainsi qu’un ensemble de mesures institutionnelles et stratégiques que nous considérions comme étant à même de favoriser le renforcement du parti et d’approfondir sa réflexion en tenant compte de la réalité du pays, du rapport de force existant et des contraintes de la participation à un processus graduel non encore accompli.
Dans le deuxième document, nous avons essayé d’analyser l’initiative du rassemblement dit du « 18 octobre » pour tenter d’évaluer son apport et diagnostiquer ses insuffisances.
Le cinquantenaire de la République a été l’objet d’un troisième document intitulé « les nécessités des réformes politiques en Tunisie ». Considérant l’importance de l’événement, il nous a semblé utile de nous exprimer sur le processus d’édification de la République et de reconnaître les avancées indéniables sur les plans socioéconomiques, culturels et institutionnels sans pour autant occulter le retard pris sur les réformes politiques et la démocratisation en dépit des mutations sociales et économiques positives évidentes.
A l’occasion du 20è anniversaire du changement enfin, nous avons publié un texte intitulé « La réforme politique entre la tentation autoritaire et les exigences démocratiques » où nous revenions sur les conditions objectives favorables à l’établissement d’un véritable dialogue et à une participation effective des forces politiques représentatives de la diversité du pays. Ceci d’autant plus que les convergences réelles peuvent être cernées quant aux acquis de la modernité, de la confortation des progrès économiques et de l’identification des défis à venir. Nous avons donc essayé d’élargir le débat pour essayer d’impliquer différents acteurs en dehors du strict cadre partisan. Car nous jugeons que ces questions ne peuvent trouver de solution qu’avec l’implication de l’ensemble de la classe politique sans pour cela prétendre à l’unanimisme et que le paysage politique ne pourra évoluer à coup de ruptures, d’exclusions ou de slogans.
Cette démarche émane donc d’une volonté de participation à l’approfondissement d’un débat politique encore absent à travers des textes qui ne doivent en aucune façon prétendre détenir la vérité absolue ni l’unique voie de salut. Sans force de propositions et ignorés de la population, nous craignons que les militants de l’opposition ne se complaisent dans la seule légitimité morale et le statut de mécontents.
Certains pensent que ce discours se cantonne dans les généralités et les bonnes intentions ?
– L’environnement politique actuel est difficile et est marqué par une grande complexité. L’histoire politique récente du pays a connu durant les dernières décennies des tensions, des conflits et même des affrontements qui ont laissé des traces qu’il n’est pas aisé d’ignorer. Ce parcours souvent tumultueux a en particulier abouti à un effritement de la confiance entre le pouvoir et l’opposition et au sein même de l’opposition. La crise de confiance nécessite un effort soutenu pour pouvoir relancer un jour un véritable débat national sur les questions politiques de fond. Dans ce cadre la clarté du dialogue est primordiale. Dire qu’il y a des points en commun entre le pouvoir et l’opposition et que cette dernière, même qualifiée de radicale comporte un potentiel d’ingéniosité et de créativité et dire qu’il y a des acquis sur lesquelles ont peut construire un meilleur destin pour le pays , tout cela peut constituer une base solide de dialogue qui aidera à la mise en place d’un agenda national qui définirait les voix des réformes souhaitées.
Entre l’opposition et le pouvoir, l’établissement de canaux de dialogue n’est pas une question morale ou un vœu pieux mais une étape politique indispensable imposée par le passé et les défis présents et futurs. Le changement du discours des uns et des autres, et l’abaissement du niveau de tensions diverses et de pessimisme est un élément hautement stimulant pour la relance du débat politique et par conséquent un outil efficace de relance du processus de réforme. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que le pouvoir va immédiatement répondre à ces propos, car les choses sont beaucoup plus complexes et s’il existe des opportunités il y a aussi des contraintes et des hésitations. Nous avons la certitude que nous ne sommes par les seuls à envisager une telle démarche, et quand bien même nous serions une petite poignée à le croire, si cette orientation trouve du répondant dans l’élite et les divers acteurs sociaux, en particulier les médias, et si ces voix se multiplient, le processus de réformes politique ne pourra ignorer cette forte attraction démocratique.
Le dialogue n’est pas une fin en soi c’est un moyen de négociation et de changement politique pacifique. Dans le cadre d’un système politique basé sur la participation il n’y a aucune alternative à cette voix. Car comment changer les choses et imposer des réformes si on ne parle pas avec le gouvernement ou les autorités.
Le problème est que certains estiment que l’appel au dialogue ne suffit pas à sortir du déni mutuel, ce qui est du reste vrai, mais il faut bien commencer. La question de savoir qui doit faire le premier pas et comment amener au dialoguer celui qui le refuse , ramène parfois à des postures figées qui pérennisent le statu quo. En réalité, le dialogue est vital et constitue une dimension inhérente à la vision réformiste basée sur la participation.
Certains se demandent en quoi vous vous distinguez de l’opposition dite de « consensus » ?
-Les rapports de l’opposition avec le pouvoir ne sont pas une donne statique. Dans un passé récent on considérait que l’opposition légale, toutes tendances confondues, participait au multipartisme dans un simulacre de démocratie, et certains continuent à le penser. En réalité on a assisté, du moins durant les deux dernières décennies à des repositionnements de plusieurs partis politiques, dont le notre, par rapport au pouvoir et cela en fonction du contexte politique.
Notre reproche à l’opposition de consensus vient de ce qu’elle soit allée assez loin dans le ralliement des thèses du pouvoir et qu’elle ait abandonné sa fonction critique, sachant que le climat médiatique et l’environnement ne lui a pas été d’un grand secours. Cette posture de l’opposition a été contre productive, et a donné une image négative du multipartisme actuel et de la participation à laquelle on aspire.
L’essentiel pour préserver la fonction de l’opposition est de maintenir son indépendance et que sa démarche accorde autant d’importance à la relation avec le pouvoir qu’à sa fonction critique.
Malheureusement encore, force est de constater que les partis alliés au pouvoir ne se sont pas accordés la latitude d’établir leur propre stratégie, se contentant d’un tempo réglé par l’agenda et la volonté du pouvoir. Cet alignement systématique est contraire au rôle de l’opposition et a montré ses limites .Sans exclure par ailleurs, le droit à des choix consensuels ceux-ci doivent préalablement être définis puis refléter la convergence voulue.
La démarche qui consiste pour le pouvoir à choisir ses opposants et à introniser des « leaders » de sensibilités politiques n’est pas dans le sens de l’histoire.
Notre approche reste donc incompatible avec cette démarche et les limites qu’elle s’impose .Nous sommes pour le dialogue respectueux de l’identité de chacun.
Par ailleurs, on n’entre pas dans l’opposition comme on entre dans une église ou dans une confrérie. Celle-ci ne peut donc avoir de clergé qui bénirait tel ralliement ou tel autre et les termes d’exclusion, de cooptation et les procès d’intention sont inadéquats en politique.
L’opposition est plurielle, la proposition et la compétition régiront son développement et détermineront ses symboles et ses forces futures.
Est-il vrai que vous vous présentez comme une alternative à l’opposition actuelle?
– Notre critique ne remet pas en question la fonction de l’opposition, fut elle radicale, elle vise à faire progresser les actions politiques, guidée non seulement par des principes, que nous ne remettons nullement en cause, mais aussi par le souci de l’efficacité et la cohérence. Si nous refusons la logique du déni mutuel entre opposition et pouvoir, on ne pourra à plus forte raison pas l’accepter pour les différentes composantes de l’opposition. Ceci dit, notre critique n’était pas exclusivement réservée à l’opposition mais elle concerne aussi le parti au pouvoir et l’ensemble du système politique qui n’a pu générer des relations et des règles en mesure de garantir la plénitude des droits et d’assurer une large participation dans le respect des institutions d’un Etat de droit. Sans vouloir nous substituer à quiconque, nous voudrions participer à plus de maturité du discours politique tant dans l’opposition que dans les sphères du pouvoir. La question est de stimuler nos capacités de remise en question, d’assumer nos réussites et nos échecs et d’être au diapason de l’étape historique qui exige une accélération du processus de réformes qui en appelle à l’intelligence de tous. En réponse à votre question, je dirais que nous ne nous présentons pas comme une alternative, nous nous positionnons dans l’opposition tunisienne, mais dans une opposition qui ne réussit ni à convaincre la population par l’écoute de ses préoccupations réelles ni à imposer les réformes nécessaires par un activisme essouflé, avec l’ensemble des composants politiques, nous essayons de prospecter des voies nouvelles peut être plus conformes au langage politique actuel dans le monde en nous imposant un devoir d’efficacité, de proposition sur les questions d’intérêt national, et d’évaluation dans le respect des principes fondamentaux.
Quels sont d’après vous les défis auxquels est actuellement confrontée l’opposition ?
A ce stade du processus politique, il me semble que trois défis sont prioritaires et conditionnent une avancée significative et durable.
D’abord, Elargir le champ de préoccupation de l’opposition indépendante pour la faire sortir du seul terrain de la revendication en rapport avec les droits humains et les libertés et éviter un rôle de substitution aux acteurs de la société civile.
Pour cela, l’opposition est appelée à se positionner en tant qu’acteur politique vis-à-vis des questions d’intérêt national, à se préparer à prouver des capacités de proposition à la hauteur d’un tel statut et à imposer les conditions d’une compétition crédible.
Ensuite, se donner les moyens de conditions de travail serein pour faire de la question de la transition démocratique et des réformes politiques une revendication qui sorte du seul carré minoritaire des élites politiques militantes pour que de larges franges de la société y reconnaissent leurs intérêts et leurs préoccupations et soient convaincues de l’utilité de participer à la vie publique. Cela demande d’aller au-delà du simple et perpétuel recensement des difficultés du pays que le pouvoir ne nie par ailleurs pas ou des échecs politiques pour s’exprimer sur des solutions alternatives de façon réaliste n’occultant ni les ressources connues du pays ni la complexité du contexte. Sur ces aspects, les difficultés de l’opposition indépendante ne peuvent à elles seules justifier l’absence d’une amorce de réflexion dépassant les slogans généralistes.
Enfin, il faut enfin pouvoir parvenir à s’accorder avec le pouvoir sur un agenda réaliste de réformes avec ses indicateurs d’évaluation prenant en considération la diversité et l’indépendance des parties prenantes.
Dans le cadre d’une participation politique, de la restauration de relations de confiance entre partenaires et si l’opposition accepte de s’imposer une obligation de résultats mêmes imparfaits dans une stratégie réformiste et graduelle, cet accord ne me semble pas impossible.
Sur ce dernier point, le pouvoir avec son assise actuelle assez forte peut et doit faciliter la sortie de l’immobilisme par des mesures de décrispation et d’ouverture dont il a tout à gagner.
Est-ce que le choix de la coalition dite du « 18 Octobre »,peut contribuer à relever ces défis ?
– L’idée de rassembler l’opposition sur des revendications prioritaires qui a connu un début de concrétisation dans alliance du « 18 octobre » a été au départ un élan positif et prometteur, mais elle a rapidement connu des difficultés et un développement problématique.
Ce mouvement s’est fixé pour objectif le rapprochement de l’opposition , l’atténuation du niveau de tension idéologique qui la traversait et un regroupement autour revendications concernant les libertés politiques. De ce point de vue, cette initiative a été un pas positif sur la voie de l’efficacité politique ce qui explique l’élan de sympathie qu’elle a suscité.
Mais ce mouvement a rapidement fait fausse route lorsqu’il a adopté de façon précipitée la logique de « front politique » voulant se présenter comme une alternative au pouvoir et dépasser la plateforme commune initiale.
L’ambiguïté qui a marqué son identité, sa constitution hétéroclite, la défection d’une frange de l’opposition, des stratégies partisanes différentes et non déclarées menaient inévitablement à ce résultat face à l’opacité dans la consultation et à des problèmes de leadership.
Un volontarisme inapproprié et une mauvaise évaluation de sa force réelle l’a contraint à une clandestinité de fait et éloigné des questions actuelles de notre société pour se limiter à des tractations politico-idéologiques sans effet et souvent anachroniques.
Pour toute ces raisons qu’on a détaillées dans un document sur la question, nous estimons que le mouvement du 18 octobre ne peut constituer la réponse politique appropriée à la situation actuelle de la Tunisie.
Dans une récente interview accordée à notre journal, la secrétaire générale du PDP a déclaré qu’en prônant au sein du parti une politique de dialogue avec le pouvoir, vous vous trompiez de vis-à-vis et enfonciez des portes ouvertes ?
– D’une certaine façon, je rejoindrai donc les propos de notre Secrétaire Générale pour vous confirmer qu’effectivement au niveau des slogans, la volonté de dialogue de la majorité des partis de l’opposition n’a d’égale que celle exprimée à mainte reprises par le pouvoir qui déclare que le dialogue avec l’ensemble des partenaires politiques et sociaux est un choix irréversible et un garant de la paix sociale. Les portes du dialogue sont-elles pour autant ouvertes à l’ensemble des partis ?
Nous abordons là l’un des aspects importants parmi les points de divergence au sein du parti puisque la réalité est toute autre. Si dialogue il y a, devant les portes effectivement closes et une communication quasi inexistante, ce serait plutôt un dialogue de sourds. Dépassons les slogans et la surenchère.
Pour moi, un pouvoir qui tolère sélectivement certains interlocuteurs à l’occasion de diverses consultations ou dans les institutions nationales et en exclut d’autres non moins importants et représentatifs reste en deçà de son discours. De même que l’opposition ne peut prétendre faciliter le dialogue et œuvrer à son établissement tout en dressant parfois sous la plume de cadres dirigeants de notre parti, une image apocalyptique de la réalité et en présentant chaque jour le pouvoir comme un mal absolu sans aucune volonté d’assouplissement ni capacité de réforme. Ce faisant, nous manquons de cohérence et faisons une analyse erronée. La volonté de dialogue s’exprime par une attitude politique qui lui est propre, un discours qui se veut persuasif et un lexique politique et mesuré sans complaisance ni tromperies.
Partant de là, nous ne voyons pas l’intérêt de continuer à échanger les accusations, à polémiquer sur les responsabilités et à tergiverser sur la question de savoir à qui revient le premier pas. En rapport avec votre question, il nous semble plus pertinent pour le PDP de reconsidérer son diagnostic de la réalité du pays et son discours politique de façon à atténuer les tensions et à favoriser un rétablissement des canaux de dialogue dans la perspective d’une nouvelle démarche politique.
Quels sont les divergences au sein du PDP ?
Beaucoup de spéculations, de bonne et de mauvaise foi entretiennent la rumeurs et les malentendus sur les divergences au sein du PDP. Je profite de cette occasion pour clarifier ce point afin de contribuer, de par ma responsabilité au sein du PDP à mettre fin aux surencheres qui nourrissent de faux problèmes et alimentent l’amalgame.
Le pluralisme des idées n’a jamais cessé au sein du PDP .
Le PDP , mutation du RSP a été clairement édifié sur une plateforme pluraliste avec une volonté de rassemblement sur des bases exclusivement politiques
De ce point de vue les différences au sein du parti sont à priori un signe de vitalité et de bonne santé.
Quant à nos différents récents avec nos collègues au sein du Bureau politique et dont certains aspects remontent au dernier congrès du parti en 2006, ils n’ont, à mon avis été ni suffisamment expliqués ni sérieusement diagnostiqués.
Je dois souligner qu’ils ne concernent ni les principes fondamentaux qui nous réunissent, ni la fonction de l’opposition et encore moins les revendications du parti comme cela a été présenté par notre SG Mme Maya Jeribi.
Nous ne remettons pas en cause la ligne fondatrice du parti en tant que parti : légal, réformiste, ouvert au dialogue, audacieux, adepte de la participation, jaloux de son indépendance et de la prééminence du politique sur l’idéologique. Nous avons même réitéré à plusieurs reprises et en particulier dans le document que nous avons rédigé lors du dernier congrès que notre objectif reste le changement démocratique avec comme implication une constitution qui garantit les libertés, la séparation réelle des pouvoirs, une justice indépendante et un système politique basé sur l’alternance et le contrôle des pouvoirs.
Nous défions quiconque prétende le contraire.
Il faut rappeler ici que le PDP est une évolution ou une reconversion du RSP et que pour éviter tout malentendu, et surencheres sur ces principes, il est temps pour notre parti, comme nous l’avons demandé lors du dernier congrès, de mettre à jour l’ancien code du RSP devenu caduque en y consignant clairement ces objectifs pour lesquels le PDP milite et les principes de référence qui s’imposent à tous.
C’est dire que les allégations de « renégat » que laissent penser certaines déclarations sont sans rapport avec la réalité et je ne peux les comprendre que comme une volonté de camoufler une divergence d’idées et de démarche par des procés d’intention.
Le vrai débat ne porte pas sur les valeurs et les principes, la question clé étant celle de la démarche , du discours adopté et de l’identification des priorités, les objectifs du parti et sa ligne fondatrice ne sont pas remis en question.
Le débat porte par contre sur la conduite des affaires politiques et a trait aux modalités que la direction adopte pour gérer l’action politique et est sans rapport avec les textes fondamentaux.
Notre appel par exemple à reformuler le discours critique afin de permettre la sérénité du débat national et de créer, en ce qui nous concerne, les conditions d’un environnement propice au dialogue et faisant référence à des convergences quant aux défis que connaît le pays pour dépasser les slogans la dimension affective,tout comme notre volonté de d’assigner au parti des taches réalisables et donc d’aborder le processus de changement de façon progressive sont présentés de manière à susciter le doute sur nos motivations.
Nous prétendons rester fidèles à nos objectifs et aux textes de référence notamment les motions de notre dernier congrès en proposant cela.
Notre appel à manifester des signes rassurants sur la direction des réformes pour tenter de désarmer les résistances qui entravent l’ouverture découle du bon sens même si cela peut sembler offusquer certains dans l’opposition et est indissociable de notre demande insistante au pouvoir pour la prise de mesures de détente vis à vis de l’opposition et le dépassement de certains contentieux historiques.
Ce discours ne fait pas encore l’unanimité au sein du parti, certains semblent préférer plus d’activisme stérile, d’autres n’accordent pas la même importance à l’obligation de résultats effectifs,d’autres encore veulent des agendas qui ne sont pas nécessairement ceux qui à mon avis servent le mieux un parti qui doit se construire . Nos divergences tournent donc autour de tout ce que cette approche peut avoir comme répercussion sur la conduite des dossiers politiques de l’heure et malheureusement aussi sur la conception du travail consensuel dans un parti riche de sa diversité où la majorité et la minorité ne peuvent pas se limiter à des concepts comptables.
Ces divergences ont-elles une relation directe avec les échéances électorales qui sont à l’ordre du jour du prochain Comté Centrale prévu le 09/01/2008. Sachant que la SG du PDP vient d’annoncer la participation de votre parti aux prochaines élections présidentielles et législatives ?
– Si la question se posait, il me semble prématuré d’annoncer une telle décision reprise par la presse alors que le comité centrale deuxième instance décisionnelle après le congrès n’a pas tenu ses assises consacré à la question.
Même lorsque l’on considère à tort ou à raison que la cause est entendue, l’éthique, le respect des militants et des instances du parti exigent qu’on y mettent les formes en attendant la décision souveraine. Ces assises n’auraient plus de sens si on avalise l’idée que des décisions aussi importantes puissent être prises ailleurs et les idées n’acquièrent pas plus de force de conviction par le fait accompli.
Je pense que la problématique ne se situe pas au niveau de la participation qui devrait couler de source pour un parti qui a choisi les voies légales de l’action politique, donc les voies de la participation. Bien que certains au sein du parti et du BP persistent dans la contestation de cette orientation. La problématique concerne les objectifs de la participation et la démarche politique qui doit en assurer la concrétisation. La vision politique qui guidera la participation dans le contexte tunisien et l’évaluation des élections passées est donc fondamentale. Ainsi, je ne vois pas la pertinence d’une participation électorale avec les réflexes, le discours et l’état d’esprit de la rupture. Je pense qu’il est temps pour un parti comme le PDP de revoir son approche pour tenter de mettre fin à cette survie en autarcie et quoique n’en dise à une certaine marginalité parmi la jeunesse et la société, qu’il est temps d’entrer dans les institutions de la république et d’essayer d’en capitaliser une meilleure maîtrise des grands dossiers et des mécanismes de l’Etat. La participation protestataire sous prétexte que les conditions idéales sont absentes ou la participation intransigeante et conditionnée sans enjeux électoraux réels ne peuvent malheureusement pas être mobilisatrices .
Le système électoral actuel qui admet une part de proportionnelle à l’avantage de l’opposition est loin d’être parfait mais nous pouvons le prendre avec ses insuffisances comme un pas vers les réformes souhaitées si dans la pratique la compétition est loyale et reste la règle du jeu électoral. Je considère 2009 comme une étape dans le processus de préparation à la perspective d’alternance réelle en 2014.
En partant du fait que les élections de 1999 et de 2004 ont consacré dans la forme le pluralisme aux élections présidentielles, il est nécessaire de faire de 2009 une opportunité pour la réalisation d’élections de meilleure qualité et surtout de mieux concrétiser le pluralisme et la compétition politique.
A près de deux ans des échéances électorales, seul le dialogue avec le Pouvoir peut actuellement en faire des élections différentes des précédentes dans la perspective de réformes plus profondes dont l’horizon doit être visible.
Même si nous pensons que l’opposition, dont le PDP sont en droit de présenter des candidats à la présidentielle, Il est utile à mon avis de dépassionner le débat à ce sujet et de bien définir les priorités et en particulier de faire en sorte que ces échéances puissent réconcilier les tunisiens avec les urnes et donner aux élections leur crédibilité et leur fonction de légitimation du pouvoir politique.
Interview réalisée par Néjib SASSI
Pavé 1 :
Nous craignons que les militants de l’opposition ne se complaisent dans la seule légitimité morale et le statut de mécontents.
Pavé 2 :
Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que le pouvoir va immédiatement répondre à ces propos, car les choses sont beaucoup plus complexes et s’il existe des opportunités il y a aussi des contraintes et des hésitations.
Pavé 3
Notre reproche à l’opposition de consensus vient de ce qu’elle soit allée assez loin dans le ralliement des thèses du pouvoir et qu’elle ait abandonné sa fonction critique, sachant que le climat médiatique et l’environnement ne lui a pas été d’un grand secours.
Pavé 4
La démarche qui consiste pour le pouvoir à choisir ses opposants et à introniser des « leaders » de sensibilités politiques n’est pas dans le sens de l’histoire. On n’entre pas dans l’opposition comme on entre dans une église ou dans une confrérie. Celle-ci ne peut donc avoir de clergé qui bénirait tel ralliement ou tel autre dans des termes d’exclusion et de cooptation.
Pavé 5
L’idée de rassembler l’opposition sur des revendications prioritaires qui a connu un début de concrétisation dans alliance du « 18 octobre » a été au départ un élan positif et prometteur, mais elle a rapidement connu des difficultés et un développement problématique… Mais ce mouvement a rapidement fait fausse route lorsqu’il a adopté de façon précipitée la logique de « front politique » voulant se présenter comme une alternative au pouvoir et dépasser la plateforme commune initiale.